Presse
Les Trois Marie ouvrent le Festival de Musique Ancienne – 19/06/2023, Dernières Nouvelles d’Alsace / Bernard Fruhinsholz
Après avoir officié pour un accueil en musique sur l’esplanade de l’abbaye de Dusenbach avec quelques mélodies de Claudio Monteverdi, les membres de l’ensemble Comet Musicke, dirigé par le chanteur et gambiste Francisco Mañalich, ont célébré, dans l’intimité de la chapelle, les « Trois Marie », ainsi que dans l’imaginaire hispano-américain sont nommées Alnitak, Alnilam et Mintaka, les trois étoiles qui forment le cœur de la constellation d’Orion, les trois étoiles les plus brillantes du ciel. Les trois Marie, soient Maria, la mère de Jésus, Marie Madeleine et Marie de Béthanie, que les peintres religieux représentent unies au pied de la croix.
Poétiser la démarche
Alors que bien de ses semblables enchaînent sans discontinuer les pièces musicales de leur programme, Comet Musicke les fait alterner avec de courts fragments littéraires afin, non d’expliquer la démarche, mais de la poétiser, de mettre des mots sur des idées, de laisser à l’auditeur la possibilité de se faire son propre récit, de se tisser sa propre légende ; ainsi d’un extrait du «Marie-Madeleine ou le salut» de Marguerite Yourcenar où l’auteure fait dire à la pécheresse (Marie-Madeleine) : « Au moment où les démons me quittèrent, je suis devenue la possédée de Dieu ».
Les siècles se mélangent
Matériau foisonnant dont des pans entiers restent encore à découvrir, la musique dite ancienne (ou médiévale, voire baroque) se prête de bonne grâce à la constitution d’encyclopédies thématiques. Nul puriste ne protestera si les siècles se mélangent et s’interpénètrent, si la dernière note d’une pièce de Merula sert de tremplin à un chant composé cinq siècles plus tôt par Hildegard von Bingen… Pas plus qu’il ne s’inquiétera de voir un sextuor instrumental classieux (violes de gambe, flûte, violons, cornet à bouquin) se muer instantanément en groupe vocal, tout aussi performant, a cappella !
John Dowland, Girolamo Frescobaldi, Marc-Antoine Charpentier, Henri Dumont ont été au nombre des architectes de cette «Ceinture d’Orion» mais deux jeunes compositeurs trentenaires contemporains, Christopher Gibert et Francisco Alvarado, ont fait irruption dans cette fratrie sans cesse en mouvement, le premier en « revisitant » une œuvre de Claudio Monteverdi, l’autre en travaillant dans l’esprit d’Henri Purcell… et en soulevant l’enthousiasme du public ! »
ORFEO – COMET MUSICKE, un moment de grâce – 13/03/2023, BaroquiadeS / Pierre Benveniste
En guise de levée de rideau, Yu Nakamura jouait magistralement deux pièces de Tarquinio Merula (1595-1665) et de Girolamo Frescobaldi (1583-1643) sur le bel orgue de l’église construit en 2007 par Dominique Thomas.
Le spectacle qui suivait comportait les parties suivantes : Bonheur d’Orfeo et Euridice suite à leurs épousailles, Mort d’Euridice et désespoir d’Orfeo, Mort d’Orfeo. Le flux musical était ponctué par la déclamation d’œuvres de poètes de l’antiquité gréco-romaine (Appolonios de Rhodes, Ovide, Virgile,…). En quelques mots voici l’histoire du poète thrace telle qu’elle est contée par Ovide dans le livre X des Métamorphoses : « Afin de libérer Euridice des Enfers, Orfeo calme les bêtes féroces qui gardent le séjour des morts, fait pleurer les pierres et charme Hadès et Perséphone. Il reçoit Euridice sous cette condition qu’il ne tournera pas ses regards vers l’arrière… Alors qu’il croit qu’Euridice est libre et que la surface de la Terre est toute proche, il se retourne pour vérifier que son épouse le suit toujours mais cette dernière disparaît de sa vue ». Orphée est rattrapé par son destin, la mort d’Eurydice est cette fois définitive. Insensible aux sollicitations des Ménades, le poète est mis en pièces par ces dernières. Selon Friedrich Schiller (1759-1805) « la soumission aveugle au destin est toujours humiliante et insultante pour l’homme épris de liberté, décidé à ne dépendre que de lui-même » (phrase citée par Helmut Wirth pour une représentation d’Orfeo ed Euridice de Joseph Haydn).
Tour à tour chanteurs et conteurs, les artistes disposent d’un instrumentarium très riche : violes de gambe à six cordes, vièles, lira da braccio, cornet à bouquin. Ils chantent tout en s’accompagnant de leurs instruments. La vièle, ancêtre du violon, était munie d’un manche, d’une touche et de cinq cordes à la fin du Moyen-Âge. La manière d’accorder l’instrument a varié au cours des âges. Selon le Dominicain Jérôme de Moravie (v. 1240-v. 1304), il était judicieux de tendre les cordes de manière à obtenir les notes suivantes, du grave à l’aigu : ré, sol, sol, ré, ré, déterminant des intervalles de quintes et d’octaves, permettant de jouer dans tous les modes possibles. La vièle n’a pas le brillant du violon mais un son doux et chaleureux qui se marie admirablement avec celui des violes de gambe et des voix. La lira da braccio ressemble à la vièle. Sa taille est plus importante, elle possède sept cordes dont deux ne sont pas jouées et servent de bourdon. Le chevalet est plat ce qui permet de jouer en accords. Bien que ces instruments fussent en fort déclin au début du 17ème siècle, leur présence dans cet ensemble était parfaitement justifiée par la merveilleuse euphonie produite par la combinaison de la voix des chanteurs et celle des instruments.
Francisco Mañalich (qui assure également la direction de l’ensemble) est un remarquable chanteur. La voix de ce ténor a une superbe projection et est très homogène dans les différents registres de sa tessiture ; le timbre est chaleureux et a de belles couleurs ; le legato très harmonieux convient idéalement à cette musique si expressive. Il est également un fin violiste comme on peut s’en apercevoir dans les morceaux où il s’accompagne lui-même. Ses qualités ressortaient bien dans le déchirant lamento de Sigismondo D’India, Piangono al pianger mio le fere e i sassi ainsi que dans Possente spirto tiré de l’Orfeo de Monteverdi où les vièles se livrent à des imitations en écho. Ces airs faisaient suite à une première partie débutant par la fameuse Sinfonia ouvrant l’Orfeo de Monteverdi où Cyrille Métivier exécute une belle improvisation au cornet. Suivaient ensuite deux morceaux instrumentaux tirés de madrigaux de Jacopo Arcadelt et Diego Ortiz, O felici occhi miei et de Cipriano Da Rore, O Morte, qui donnaient aux instrumentistes, Cyrille Métivier à la vièle et Camille Rancière à la lira da braccio, l’occasion de montrer l’étendue de leur talent. Aude-Marie Piloz ravissait le public par son jeu agile et élégant à la basse de viole et son art de la diminution. Les quatre artistes unissaient leurs voix dans un extrait de l’Orfeo de Luigi Rossi, Ah piangete, ah lagrimate, tout en s’accompagnant avec leurs instruments d’élection ainsi que dans le chœur des Ménades en furie tiré de l’Orfeo de Stefano Landi.
Pour remercier le public enthousiaste, les artistes facétieux proposaient en guise de bis un extrait d’Orphée aux enfers de Jacques Offenbach.
Tout serait à louer dans ce concert : la polyvalence des artistes, l’intensité de leur engagement, l’originalité de la conception et de la mise en œuvre du programme et un panorama relativement étendu et d’une belle unité de compositeurs ayant opéré dans le premier quart du 17ème siècle. Les quatre musiciens ont permis aux privilégiés présents dans l’église de vivre un moment de grâce. Grâce à de tels talents et à la puissance du mythe, Orphée n’en finit pas de fasciner les mélomanes et les compositeurs depuis la nuit des temps jusqu’à aujourd’hui. »
5 étoiles (« Excelente ») | Diego Ortiz, Caleidoscopio – COMET MUSICKE – 6/04/2022, La Revista de Música Clásica / Àngel Villagrasa Pérez (original spanish version below)
L’ensemble Comet Musicke nous offre ici une interprétation magnifique, faisant usage de nombreuses différentes instrumentations dans chacune des œuvres, nous permettant ainsi d’apprécier concrètement et pleinement les sonorités de différents instruments de la Renaissance, la plupart du temps associés aux voix, comme la viole de gambe, la vihuela, le serpent, le cornet, la lira ou bien encore les percussions. Le résultat en est une lecture nouvelle de la musique de D. Ortiz, lecture différente de celle que nous sommes accoutumés à écouter. Il s’agit de «réinstrumenter» ces œuvres, en appliquant des critères historiques interprétatifs, chose que nous offre ce « caléidoscope » qui donne son titre au disque. Les interprètes montrent une grande cohésion, assortie de grande musicalité et maîtrise du style. Le livret est bien documenté, avec l’insertion de tous les textes chantés et de quelques fragments des fac-similés de Alma redemptoris mater (issu du Musices Liber Primus) et du Tratado de Glosas de D. Ortiz, illustrant la notation musicale de l’époque. Il s’agit là d’un enregistrement hautement recommandable qui pourrait être une introduction parfaite à la découverte de l’art et du génie de Diego Ortiz. »
(version originale)
« Diego Ortiz fue uno de los compositores más importantes del Renacimiento español, no solo por su excelente música, sino también por su famoso Tratado de glosas que, aún hoy día, sigue siendo una de las fuentes musicológicas más importantes en los criterios de ornamentación de este tipo de música.
El doble disco que presentamos contiene música muy variada de Diego Ortiz, incluyendo cuatro obras que hasta el momento no se habían grabado nunca. Pequeñas obras anónimas, de Antonio de Cabezón, Juan del Encina o Francisco Guerrero, entre otros, sirven para complementar este programa monográfico. Las obras de ambos discos son absolutamente variadas, cosa que hace imposible que el oyente se aburra.
El grupo Comet Musicke nos ofrece una interpretación magnífica, haciendo uso de diferentes instrumentaciones en cada una de las obras, cosa que nos permite apreciar las sonoridades concretas de diferentes instrumentos del Renacimiento como la viola da gamba, la vihuela, el serpentón, el bajón, la lira o las percusiones, todo ello sumado a las voces. El resultado es una lectura novedosa de la obra de Diego Ortiz, diferente de la que estamos acostumbrados a escuchar. Se trata de ‘reinstrumentar’ estas obras, aplicando criterios históricos interpretativos, cosa que nos ofrece ese ‘caleidoscopio’ que da título al disco. Los intérpretes se muestran bien cohesionados, con buena musicalidad y dominio del estilo. El libreto está bien documentado, con la inclusión de los textos cantados, así como un fragmento del facsímil del Alma redemptoris mater y del Tratado de Glosas de Diego Ortiz para poder comprobar cómo era la escritura musical de esa época. El oyente más exigente echará en falta la especificación de la afinación y temperamento que usan los intérpretes, así como el lugar y fechas de grabación, datos que cada vez más se suelen especificar en las grabaciones. A pesar de este pequeño detalle, se trata de una grabación muy recomendable que puede ser la introducción perfecta para conocer la música de Diego Ortiz. »
Portrait croisé du répertoire instrumental et liturgique de Diego Ortiz – 4/02/2022, Crescendo Magazine / Christophe Steyne
« Confronter l’art instrumental de Diego Ortiz (le Traité des Gloses de 1553) et le répertoire liturgique de son Musices Liber Primus (1565) permet de « bâtir un kaléidoscope qui dévoile un portrait sonore » de ce Maître de Chapelle du Vice-Roi d’Espagne, selon les mots de Camille Rancière. Les Recercadas furent bien servies au disque : dans une veine post-médiéviste, on se rappelle les excursions de l’Atrium Musicae de Gregorio Paniagua (Harmonia Mundi, juillet 1977), mais on pense surtout aux réussites de Jordi Savall en avril 1989 chez Astrée ou récemment Bruno Cocset chez Alpha. Le versant sacré reste toutefois à investiguer, à l’instar du programme marial (Ad Vesperas) de Cantar Lontano dirigé par Marco Mencoboni (SACD Alpha, 2006). L’ensemble Comet Musicke s’est ici penché sur des fac-similés de Bologne et nous en offre une poignée de motets annoncés comme inédits : un somptueux Alma redemptoris Mater drapé dans les violes, Regina celi letare alleluia, Sancta et immaculata virginitas, Benedicta es celorum Regina. Après un premier album consacré à Gilles Binchois et Johannes Ockeghem, l’équipe de Francisco Mañalich nous arrive donc avec ce stimulant programme mixte qui invite aussi d’autres contemporains de la mouvance hispanique.
Le premier CD de ce double album se place sous l’inspiration de la chanson Doulce mémoire popularisée par Pierre Sandrin (c1490-1560), le second (« Felices Ojos ») sous l’influence du regard et des Felici occhi miei de Jacques Arcadelt (1507-1568). Ce diptyque met ainsi en perspective les airs originaux et leur traitement par variation et glose orné de ces « diminutions » typiques de l’époque. Non avare d’audace (la Recercada Primera pour archet, confiée… au serpent qui s’exprime aussi dans la Sesta), l’instrumentarium se renouvelle d’une pièce à l’autre, par exemple les cordes pincées pour la Pavana con su glosa de Cabezón, suivie par un Ay de mi qu’en tierra ajena qui valorise serpent et cornet, lequel s’entrelace à la flûte dans la Recercada Quinta. La gouaille d’un Cavalier de Spagna ou d’un ¿Por qué rrasón fuistes de Ruysellón? rythmé par le tambour contraste avec les instants recueillis. Les violes et vihuelas de arco tiennent bien sûr une place de choix dans le tissu polyphonique. L’accompagnement se tresse aux pages vocales, conformément à la préface du recueil vénitien de 1565.
On est presque surpris qu’une anthologie aussi composite, où la Terre jouxte le Ciel, et qu’une réalisation parfois bigarrée coulent avec tant d’évidence : la danse succédant au chant pieux, l’invention se mêlant à l’archaïsme. Par l’humilité et la spontanéité de leur démarche, les polyvalents et talentueux musiciens émeuvent sans ostentation ni dogme. Les voix ne sont pas des plus typées mais sincères et vivantes. S’en dégage un contact chaleureux et convivial qu’avive une gironde captation dans l’église euroise de Chambray. Tout à l’honneur de Comet Musicke et du label breton qui l’a enregistré : un apport bienvenu à la discographie du Tolédan !»
Caleidoscopio – Diego Ortiz (4 Diapasons), Motets et Recercadas. Comet Musicke, Son An Ero (2 CD) – mars 2022, Diapason / Guillaume Bunel
Après un opus consacré aux chansons de G. Binchois et J. Ockeghem (cf. no. 688), le jeune ensemble déploie une riche palette de voix, cordes frottées, cuivres anciens, flûtes à bec et percussions ; des combinaisons variées et souvent heureuses (violes en pizzicato et cornet muet ; viole arco, serpent et flûte à bec) contribuent à tirer le meilleur de chaque composition.
Comparées au recercadas de Jordi Savall posant en 1990 la référence (Astrée/Alia Vox), celles de Comet Musicke affichent une vivacité, une fantaisie et une précision revigorantes appelées à faire date.»
Diego Ortiz ou l’art de la glose et du chant avec l’ensemble Comet Musicke – 29/12/2021, ResMusica / Frédéric Muñoz
Diego Ortiz est l’une des figures musicales les plus importantes de la Renaissance espagnole. Il demeure célèbre grâce à son fameux Trattado de glosas paru à Rome en 1555. Il s’agit d’une méthode pour apprendre l’art de la glose ou diminution, c’est à dire la manière de remplir les valeurs longues des notes dans une polyphonie, grâce à une technique particulière de notes de passage. Ce traité reste une référence, prolongé dans sa deuxième partie par toute une série de pièces intitulées Recercadas (Recherches) où l’auteur met en application les principes théoriques de la première partie de l’ouvrage. Particulièrement destinées à la viole de gambe, il est clair que ces œuvres peuvent être jouées sur d’autres instruments en particulier tous ceux qui constituent l’accompagnement de la viole soliste. C’est bien cette carte-là que joue l’ensemble Comet Musicke que conduit Francisco Mañalich. Onze musiciens réunis pour cet album proposent leurs adaptations calquées sur les pratiques du temps. Ainsi une sélection de douze pièces instrumentales nous sont présentées sur les vingt-sept que compte le traité. Plusieurs d’entre eux font appel à des thèmes déjà existants puisés chez d’autres compositeurs dont Doulce memoire de Pierre Sandrin (1490 ca-1560), O felici occhi miei de Jacques Arcadelt (1507-1568). Ceci permet l’imbrication de la musique vocale dans ce programme où les madrigaux d’origine sont présentés conjointement aux pièces glosées par Ortiz.
L’autre livre de musique écrit par Diego Ortiz et publié à Venise en 1565 est le Musices Liber Primus dont cet album permet de faire plus ample connaissance. On se réjouit même que certains motets de cet ouvrage soient ici enregistrés en première mondiale. On remarque combien le compositeur s’abreuve des divers courants musicaux de son temps, venus des Flandres, de la France et de l’Italie auxquels se mêlent ceux propres à l’Espagne. Il jongle harmonieusement entre l’ornementation, les rythmes et cette manière précise de mêler les voix avec les instruments. Tout recourt à faire rayonner une polyphonie parfois sévère en l’agrémentant de manière raffinée. Ainsi cet album intitulé Caleidoscopio porte bien son nom, assemblant logiquement le sacré au profane, la voix à l’instrument en une savante construction. Les Motets de D. Ortiz demeurent un sommet de l’art vocal de la Renaissance auquel l’Espagne a apporté une incontournable contribution, ses compositions ayant fait de lui le maitre de chapelle du vice-roi de Naples. Sa célébrité fut grande au point de se retrouver sur la grande toile des Noces de Cana, discutant lui même avec le peintre Veronese.
Une prise de son des plus naturelles capte admirablement les œuvres vocales dans l’église Renaissance de Chambray (Eure), dans une interprétation informée et chaleureuse. La beauté des voix révèle au plus haut point la supériorité des textes musicaux, de ces motets dont l’inspiration est à rechercher chez Josquin et Ockeghem, dont Ortiz dit lui-même qu’ils sont de « vrais docteurs de musique ». Afin de parfaire cette rencontre au sommet entre les deux recueils de l’auteur, Comet Musicke propose quelques pièces contemporaines d’Ortiz comme pour immerger son art dans l’air de son temps, où chacun apporte sa pierre : on pense à Cabezon père et fils, Guerrero ou Patavino avec le thème de La Spagna, repris par Ortiz. Il y a à la fois une grande intimité dans cette musique et une projection éblouissante, caractéristique de cet art ibérique fait de contrastes, d’ombres et de lumières. A la suite des productions de Jordi Savall (Alia Vox) et de Marco Mencoboni (Alpha), cette nouvelle approche se classe parmi les belles références dédiées à ce compositeur, dont on n’a sans doute pas fini de découvrir d’autres secrets.»
CD : Découvrir la musique de Diego Ortiz (note technique 5/5) – 17/01/2022, ON-Mag.fr / Jean-Pierre Robert
Diego Ortiz (ca. 1510-ca. 1570), né semble-t-il à Tolède, s’installe à Naples dans les années 1550 où il devient maître de chapelle du vice-roi. Il voyage en Europe, notamment à Rome où il publie en 1553 un traité de pratique instrumentale, le »Trattado de Glosas » (Traité des Gloses). Il s’agit, selon Frédéric Muñoz, d’« une méthode concernant une manière particulière d’orner un texte musical ». Le traité comporte aussi des pièces écrites sur des thèmes ou mélodies alors en vogue, que ce soit des madrigaux ou des œuvres instrumentales appelées »Recercadas ». À Venise, en 1565, Ortiz publie un autre opus, le Musices Liber Primus, constitué de motets de 4 à 7 voix sur des thèmes de plain-chant. À la différence du premier, bien connu des spécialistes, ce second ouvrage est tombé dans l’oubli.
L’ensemble Comet Musicke définit ainsi le propos du présent album : « avec une formation constituée de voix et d’instruments mélodiques, nous avons cherché à bâtir un kaléidoscope qui dévoile un portrait sonore de Diego Ortiz en assemblant des pièces de nature diverse organisées autour de ses Recercadas et de ses Motets, tout en replaçant ces œuvres dans leur contexte ». Le programme est ainsi composé de deux parties thématiques, sous-titrées »Douce mémoire » puis »Yeux heureux », et mêle le profane et le sacré, le sérieux et le joyeux. Il associe des œuvres de Diego Ortiz à celles d’autres comme Antonio de Cabezón, Jacques Arcadelt ou Francisco Guerrero. L’instrumentation extrêmement originale fait appel à des instruments inhabituels, comme le serpent, la vièle à archet, le cornet ou les castagnettes.
Au titre des Motets de Diego Ortiz, tirés du Musices Liber Primus, on entend en particulier un »Salve Regina misericordia » mêlant chants a cappella et accompagnés, d’une rare ferveur. Ou un »Alma redemptoris Mater » où la voix d’alto sur un consort de violes de gambe précède une seconde partie associant ténor, alto et basse. Ortiz a écrit plusieurs versions d’une même œuvre. Comme il en est du »Benedicta es caelorum Regina » donné ici d’abord à sept voix, puis à cinq voix. Ce chant de louange possède une durée différente quant à ses deux versets dans l’un et l’autre cas.
S’agissant des pièces profanes, l’antienne »Douce mémoire », un thème récurrent de la Renaissance en Europe, chantée par Ortiz dans la pièce, en vieux français, »Doulce mémoire en plaisir consummée » est mise en perspective avec des compositions de contemporains. Ainsi de Francisco Millán (actif au début du XVIème) dans »Dulce y triste memoria ». Le sujet allusif des »Yeux heureux » inspire à Francisco Guerrero (1528-1599) son madrigal »Yeux clairs et sereins », d’où émane une vraie tendresse, ou à Rodrigo de Ceballos (ca.1525-1581) »Yeux magnifiques, amoureux, profonds », d’une douce affliction, mais aussi à Jacques Arcadelt (1507-1568) la pièce »O felici occhi miei ».
Quant aux Recercadas de Diego Ortiz, ce sont, comme les ricercari italiens, des morceaux instrumentaux libres cultivant la répétition. Ils mettent ici en valeur le contrepoint dans un luxe de détail d’écriture pour une ou plusieurs violes de gambe, ou un étonnant dialogue flûte-cornet (Recercada Quinta sobre tenor italiano). Ou encore un serpent et une vièle à archet (Recercada Sesta). Il est intéressant de les comparer à d’autres pièces, d’Antonio de Cabezón par exemple, organiste fameux (1510-1566). Ainsi de la »Pavana con su glosa », délicatement rythmée à la vièle, ou cette pièce »Diferencias sobre la Pavana Italiana », sorte de variations peut-être plus graciles.
Toutes ces musiques, naguère défendues par Jordi Savall, le sont ici avec conviction par les musiciens de Comet Musicke. La plupart sont polyvalents, chanteur et instrumentiste, à l’image de leur directeur artistique Francisco Mañalich, lui-même ténor et violiste. Outre la pertinence des enchaînements, on est séduit par la luminosité des voix, la douceur des intonations comme par la qualité du jeu sur ces instruments typiques de l’époque du XVIème siècle que sont le serpent (instrument à vent grave en forme de S), le cornet à bouquin ou la vièle à archet (instrument à cordes). On éprouve un sentiment de plénitude à l’écoute de cette anthologie de la musique de Diego Ortiz et de ses contemporains.
La prise de son, à l’église Saint-Martin de Chambray dans l’Eure, leur rend justice par une habile spatialisation des voix selon les pièces et une captation intimiste des instruments, tous d’une indéniable présence. »
Diego Ortiz, Caleidoscopio – Ensemble Comet Musicke, 2 CDs Son An Ero – 11/11/2021, Valeurs Actuelles / L. L.
GUEMAR : BIOGRAPHIE MUSICALE – 1/10/2021, Dernières Nouvelles d’Alsace / Bernard Fruhinsholz
Gambiste et compositeur espagnol parti chercher fortune à la cour du roi de Naples, Diego Ortiz (ca 1510 – ca 1570) a été le plus célèbre gambiste de son siècle mais a également été un théoricien et un pédagogue d’importance, publiant notamment en 1553 un ouvrage (Traité des gloses) codifiant les ornementations pour son instrument de prédilection mais également pour la flûte, le violon, le cornet et quelques autres, dans l’accompagnement des voix ainsi que pour des pièces strictement instrumentales. Le programme proposé par l’ensemble dirigé par Francisco Mañalich explicite ces règles. En introduction à cette prestation, parrainée par les Amis de l’orgue de Ribeauvillé, l’organiste Henry Webb a joué trois courtes pièces de Francisco Correa de Arauxo (1554-1654), mettant en valeur la registration tout en nuances du Callinet de l’église Saint-Léger.
Un concert alternant pièces strictement instrumentales et œuvres vocales (à deux, trois, quatre voire sept voix) accompagnées, souvent précédées de courts textes déclamés, donnant au tout des allures de biographie musicale d’un compositeur et violiste, également homme d’armes réputé ; les œuvres d’Ortiz voisinant avec celles de quelques-uns de ses contemporains chansonniers. Pour toutes ces pièces, une constante qui doit beaucoup à la précision du traité relatif à leur exécution mais qui, sans le facteur humain (c’est-à-dire la sensibilité de l’interprète), n’aurait que peu de sens, un peu comme une recette d’un grand chef dans la cuisine d’un tâcheron !
Émotion communicative !
Aux indispensables qualités musicales, les dix membres de Comet Musicke ont ajouté, fruit d’une cohabitation quasi symbiotique avec les opus choisis, une sensibilité communicative, un rare sens de la nuance, sachant individuellement accentuer un trait instrumental ou vocal avant de se fondre à nouveau dans le collectif, mis de l’émotion (communicative) notamment dans la Recercada settima sobre tenor, donné tout son sens au mot « polyphonie » notamment avec le motet Regina celi d’Ortiz ou Un cavalier di Spagna de Francesco Patavino… allant jusqu’à mettre en espace (nef, bas-côtés) certaines parties vocales pour mieux les partager. Donnée en bis, une pièce inédite chantée par les dix membres de Comet Musicke réunis en cercle (très elliptique !) dans l’allée centrale a été suivie d’une standing-ovation amplement méritée.
À NOTER : L’intégralité des pièces de Diego Ortiz jouées et chantées durant ce concert (et bien d’autres) a été enregistrée il y a quelques mois par l’ensemble Comet Musicke ; le double CD Diego Ortiz – Caleidoscopio est disponible chez Son an ero au prix de 20 €. »
LE MYTHE D’ORPHEE REVISITE AVEC BRIO PAR COMET MUSICKE A SIMIANE-LA-ROTONDE – 8/08/2021, ResMusica / Cécile Glaenzer
Pour la 39e édition de son festival de musique ancienne, Simiane-la-Rotonde a choisi de proposer un parcours autour du personnage d’Orphée, figure tutélaire de la musique. C’est à un voyage dans l’Italie du premier baroque que nous convie l’ensemble Comet Musicke, dans un programme en quatre tableaux : un portrait d’Orphée, sa rencontre avec Eurydice, la mort de la bien-aimée et le retour des Enfers. Pour lier chaque épisode de l’histoire, chaque musicien se fait tour à tour récitant, avec la lecture de textes d’Ovide et de ses contemporains, nous rappelant que l’imitation de l’antique était un idéal pour tout artiste de la Renaissance. Comme le poète s’accompagnait de sa lyre, ce sont ici les cordes frottées des violes et des vièles qui improvisent un accompagnement subtil des textes lus, avec des accents orientaux qui vont chercher du côté de origines bulgares du mythe. Des musiques instrumentales de Lappi, Banchieri, Bonizzi et Rossi alternent avec des airs d’opéras de Landi, Peri, Cavalli et, bien sûr, de l’Orfeo de Claudio Monteverdi.
Une des spécificités de Comet Musicke est la grande variété de son instrumentarium. Pour ce programme, c’est un consort inhabituel qui réalise les pièces instrumentales : deux violes de gambe pour les parties graves et deux vièles pour les dessus. Cela fonctionne très bien, avec une belle homogénéité et sonne parfaitement dans la belle acoustique de la rotonde médiévale de Simiane. Ici, la proximité avec le public est encore renforcée par la disposition des violes jouées debout, à hauteur des spectateurs : on a ainsi l’impression d’être au cœur du consort. Et ce sont les instrumentistes eux-mêmes qui se font chanteurs pour les pièces vocales à trois ou quatre voix. Le rôle central d’Orphée est tenu par l’excellent ténor Francisco Mañalich, à la voix puissante et bien timbrée, qui s’accompagne aussi lui-même à la viole de gambe. De Monteverdi, la Toccata d’ouverture de l’Orfeo permet la première intervention du cornet de Cyrille Métivier (qui joue aussi de la vièle) : les quatre musiciens remplissent l’acoustique comme s’ils étaient trois fois plus nombreux. Petit effectif, grand effet ! (pour paraphraser l’impression que nous avions eue lorsque nous entendions ce remarquable ensemble pour la première fois au festival de Radio-France Occitanie Montpellier dans un programme mémorable)
Deux pièces instrumentales font la part belle à la virtuosité des cordes : les diminutions d’Ortiz à la lira da braccio sur une chanson d’Arcadelt, et celles de Bonizzi sur un thème de Cipriano da Rore à la basse de viole jouée par Aude-Marie Piloz. L’air Possente spirto de l’Orfeo de Monteverdi permet d’apprécier les célèbres jeux d’écho réalisés ici aux vièles. L’air Tempro la cetra de Monteverdi conclut tout en délicatesse ce programme.
Et pour finir, un bis plein d’humour met en avant l’éclectisme de l’ensemble : un pastiche d’un air de Pluton de l’Orphée aux Enfers d’Offenbach termine joyeusement cette soirée exceptionnelle.
(Simiane-la-Rotonde. 5-VIII-2021. Œuvres de Pietro Lappi (1575-1630), Stefano Landi (1587-1639), Francesco Cavalli (1602-1676), Claudio Monteverdi (1567-1643), Solomoni Rossi (1570-1630), Francesco Rasi (1574-1621), Diego Ortiz (1510-1570), Vincenzo Bonizzi (?-1630), Jacopo Peri (1561-1633). Ensemble Comet Musicke : Aude-Marie Piloz, viole de gambe ; Cyrille Métivier, vièle et cornet ; Camille Rancière, lira da braccio et vièle ; Francisco Mañalich, ténor, viole de gambe et direction artistique) »
Chansons de Binchois, Ockeghem et Desprez (5 étoiles) – octobre 2020, Classica / Nicolas Boiffin
Ce renouveau constant, non seulement entre les chansons mais aussi d’une strophe à une autre, est d’autant plus remarquable qu’il ne suit aucun systématisme : chaque pièce est mise en valeur par un éclairage particulier. Le vaste programme déployé dans les deux disques, où l’on rencontre aussi bien Mort tu as navré de ton dart d’Ockeghem que des chansons pas ou peu enregistrées, ouvre donc la porte à un parcours musical vivant, traversé de surprises. Déjà rompu à de nombreux styles musicaux, l’Ensemble formé par Francisco Mañalich en 2017 se distingue ici par un premier opus très original, auquel devrait bientôt succéder un disque consacré à la musique de Diego Ortiz.
« QUINZE » par l’ensemble Comet Musicke : Binchois et Ockeghem en duo – Magique – avril 2020, ResMusica / Charlotte Saulneron
Peu importe si on assiste à la genèse d’un ensemble de chanteurs et instrumentistes dont la polyvalence avait été particulièrement remarquée au festival de Radio France à Montpellier l’année dernière : tout est là pour séduire. D’abord l’agréable impression d’un projet ambitieux dès l’objet en main : un coffret de deux disques de belle facture, une thématique claire et lisible pour une programmation musicale fournie (18 pistes dans le premier CD et 12 pistes pour le second), un livret d’accompagnement qui tient son rôle sans faillir…
Ensuite une recherche musicologique poussée, essentielle lorsqu’on aborde le répertoire de musiques anciennes (ici de la fin du Moyen Age à l’aube de la Renaissance), partie de la recherche du directeur artistique de l’ensemble, Francisco Mañalich se spécialisant dans les chansons à trois voix de Binchois (v. 1400-1460) pour s’étendre naturellement à celles de Johannes Ockeghem (v. 1410-1497). Les caractéristiques stylistiques des deux compositeurs sont clairement présentées dans la notice courte mais efficace de Raphaël Picazos, des tournures mélodiques et du discours rythmique du maître bourguignon à son influence dans le travail de Johannes Ockeghem qui lui dédiera son « Mort tu as navré de ton dart » interprété dans cet enregistrement, lors de la mort de Binchois.
Ensuite, une vision interprétative inédite que la démarche « historiquement informée » ne détourne pas de la vocation première de la musique : plaire. La fraicheur de cette approche se caractérise par la variété de l’instrumentation, Comet Musicke prenant le parti de varier les sonorités et les couleurs en choisissant une composition instrumentale différente quasiment à chaque pièce. La démarche musicologique est bien présente, puisque l’objectif est de « refléter les évolutions organologiques de cette période », mais pour notre oreille actuelle, elle produit un renouvellement de l’écoute permanente, rendant séduisante cette succession de pièces vocales et instrumentales, mais démontrant aussi au fur et à mesure de l’écoute, la délicatesse de l’engagement de chaque protagoniste. De même pour le texte, la reconstruction rigoureuse de la prononciation du XVe siècle diffusant une atmosphère raffinée, soutenue par une diction nette et une prosodie limpide.
Enfin, des découvertes musicales qui satisferont les connaisseurs, cet album complétant à merveille une discographie spécialisée comme éclectique. En définitif, c’est un projet réfléchi et audacieux qui témoigne parfaitement de la grande qualité de ces interprètes. Magique. »
CD : « Quinze », un portrait profane du XVème siècle (note technique 5/5) – 5/05/2020, ON-TopAudio.fr / Jean-Pierre Robert
La musique médiévale connaît un regain d’intérêt ces derniers temps. L’ensemble Comet Musicke met en regard deux musiciens majeurs de l’époque : Gilles de Bins dit Binchois et Johannes Ockeghem. Qui l’un comme l’autre ont cultivé la chanson de geste et son thème favori, celui de l’amour courtois : la beauté de la femme, les visages changeants de l’amour et les affres de la séparation, du désir à la peine, de l’exaltation à la déception, voire à la douleur de l’absence de l’être aimé. Ils le font de manière différente pourtant. Gilles Binchois (c. 1400-1460), maître de la chanson bourguignonne, offre des tournures mélodiques gracieuses, fluides et aisées, héritées de l’Ars Nova du XIVème, à la rythmique légèrement accidentée et selon un contrepoint savant, au fil de courtes phrases ponctuées de cadences. Ne l’a-t-on pas surnommé »Père de joyeuseté » ! La chanson peut en effet être joyeuse, comme dans »Mon cœur chante joyeusement », au ton clair et entraînant. D’une belle faconde aussi : ainsi de »Filles à marier ne vous mariez jamais », sur un texte humoristique que restituent les diverses combinaisons de timbres des 8 parties. La pièce suivante »Si je soupire, me plains et pleure », fait contraste, s’agissant alors de la douce complainte résignée de celui qui reconnaît »Je ne pensais pas voir l’heure où il me faudrait aimer autre que lui ». On y trouve parfois d’étonnantes dissonances. Certaines pièces débutent par une forme de déclamation doucement parlée sur un accompagnement léger avant que le consort vocal ne reprenne le texte : comme dans »Bien que Danger, Médisance et leurs gens ». Quelques pièces purement instrumentales entrelardent les chansons de manière habile, en prolongeant le climat ou en vraie rupture.
Les chansons de Johannes Ockeghem (c. 1410-1497) se situent plus sur le ton mélancolique. Comme il en est de »J’en ai chagrin que je n’en suis morte » et son introduction par un trait vif de cornet, lequel va ensuite dialoguer avec le baryton. Le motet-chanson à 9 parties, et de vastes dimensions, »Mort, tu as blessé de ton trait » a été écrit par le musicien en hommage à Binchois. Il y déploie une douce déploration empreinte de ferveur, d’abord contenue puis s’élargissant. Le chant diversifié du consort vocal est ponctué d’une brève ritournelle instrumentale. Le regret se mêle à l’éloge, comme dans une prière de requiem. Ockeghem rend aussi un hommage musical à son maître en utilisant certains de ses procédés comme la disposition du faux bourdon, chérie par Binchois dans ses propres chansons. Les morceaux instrumentaux sont tout aussi intéressants, dont celui intitulé »Prenez sur moi votre exemple amoureux », pour deux violes de gambe et la vièle. On entend encore deux œuvres de Josquin des Prez (c. 1450-1521), dont une en hommage à Ockeghem »Nymphes des bois, déesses des fontaines », un motet à 5 voix combinant le poème de Jean Molinet »Nimphes des bois » et l’antienne grégorienne d’introït Requiem aeternam.
Formé en 2008 par le ténor, gambiste et vièliste Francisco Mañalich, l’ensemble Comet Musicke et ses neuf musiciens »jouent » ces chansons, dont plusieurs sont inédites au disque, avec un vrai souci d’authenticité, forts des recherches les plus récentes sur la manière de les interpréter. Singulièrement de dire les textes en vieux français et d’en révéler toutes les originalités en matière d’intonations, de couleurs, de débit. Et de restituer le lyrisme du verbe poétique comme le chatoiement des parties musicales selon divers alliages voix-instruments. Chez les uns et les autres, on admire la douceur vocale, l’expressivité des instruments, toujours à l’affût de la nuance juste. C’est là tout un kaléidoscope de couleurs et de rythmes, de raffinement, de tendresse mélodique, dans une manière qui n’a rien d’appuyé car se situant toujours dans le registre de l’intimisme. Il faut citer tous ces musiciens émérites : Aude-Marie Piloz, vièle et viole de gambe Renaissance, Marie Favier, mezzo-soprano, François Joron, baryton, Sarah Lefeuvre, soprano et flûtes à bec, Cyrille Métivier, contre-ténor, cornets, vièle, flûte à bec, Camille Rancière, vièle et baryton, Daniela Maltrain, vièle, viole de gambe Renaissance et flûte à bec. Et bien sûr Francisco Mañalich, ténor, vièle, viole de gambe Renaissance, qui assure également la direction artistique. Ce dernier formé à la gambe, entre autres, par Christophe Coin, et au chant par Anna Maria Panzarella, a déjà à son tableau de chasse la fameuse production du Bourgeois Gentilhomme mise en scène par Denis Podalydès, et des interprétations auprès de Leona rdo García Alarcón comme de la Compagnie La Tempête. Chapeau à tous !
Les enregistrements, à l’Espace Sainte-Anne de Lannion, sous la supervision à la post-production de trois des musiciens, offrent un équilibre voix-instruments et une spatialisation très étudiés, dont émane un vrai sentiment d’intimité. L’image sonore est aussi agréable que les interprétations sont séduisantes. »
QUINZE (4 Diapasons), Chansons polyphoniques de Binchois, Ockeghem, Josquin Desprez. Comet Musicke, Francisco Mañalich. Son An Ero (2 CD) – mars 2020, Diapason / J. M.
Neuf interprètes se partagent sept voix (soprano, mezzo, contre-ténor, ténor, trois barytons) et une douzaine de vièles, violes, cornets et flûtes. Les nombreuses combinaisons d’effectif servent une riche palette de sonorités, depuis le chœur instrumental majestueux de Mort tu as navré de ton dart (chez Ockeghem) jusqu’aux pizzicatos délicats en soutien du récitant dans Quoy que Dangier Male Bouche et leur gent (chez Binchois).
La vocalité énergique et le faste des instruments marquent les chansons d’une musicalité attachante. Empruntés à Josquin, Baisés moy ma doulce amye ou Nimphes des bois montrent que le jeune collectif sait convaincre sans fard. »
QUINZE : Binchois et Ockeghem, Ensemble Comet Musicke, 2 CDs Son An Ero – 13/02/2020, Valeurs Actuelles / L. L.
« QUINZE » : Binchois et Ockeghem par Comet Musicke (Son An Ero) – LE DISQUE DE LA SEMAINE – 10/02/2020, Concertclassic.com / Alain Cochard
Couronné par le Festival Sinfonia en 2017, dans le cadre de sa série « Jeunes Talents » (comme toujours très avisée), Comet Musicke a été très remarqué l’an passé au Festival Radio France Montpellier Occitanie. Avec une formidable présence scénique, les musiciens ne se contentent pas de jouer un vaste répertoire, du Moyen Âge au débuts du baroque ; ils le font littéralement revivre. Six siècles nous séparent des créations de Gille de Bins, dit Binchois (vers 1400-1460), musicien qui, très tôt, bénéficia d’une belle reconnaissance (il était en activité à la Cour de Bourgogne dès la fin des années 1420), mais avec Comet Musicke les compositions de celui que l’on a surnommé le « Père de joyeuseté » ce ne sont pas des curiosités historiques que l’on admire sur une étagère de musée, mais une musique revivifiée et rendue pleinement sensible par l’investissement et l’art des interprètes dans ce qu’il définissent comme un « portrait profane [du] siècle quinze porté par 15 voix et instruments » . Des instruments auxquels F. Mañalich et son équipe réservent un rôle essentiel ; mêlés aux timbres vocaux ils apportent une chaleur et un relief irremplaçables à des pages célébrant la femme, le désir et l’amour de la belle.
Dans la même optique interprétative, et pas moins convaincant, le second disque rassemble neuf chansons de Johannes Ockeghem (vers 1410-1497), musicien marqué par l’art de Binchois dont la mort lui inspira une émouvante déploration (« Mort tu as navré de ton dart »). Josquin des Prez (vers 1440-1521) est de ceux qui ont fait entrer la musique dans l’ère de la Renaissance. Il admirait Ockeghem, un « vrai trésorier de la musique » dont il a douloureusement chanté la mort dans « Nimphes des bois déesses des fontaines », pièce qui referme d’admirable façon un précieux album, soigneusement édité par Son an Ero.
Quant à l’actualité des concerts de Comet Musicke, il faudra patienter jusqu’à l’été pour retrouver l’ensemble, mais les occasions ne manqueront pas alors de prendre la mesure de son répertoire et de son talent.
LO MEJOR DE 2019, Grabación | QUINZE. COMET MUSICKE. Son an Ero – 27/12/2019, Codalario.com / Fabiana Sans (original spanish version below)
(version originale)
« Sorpresa para nuestros oídos ha sido toparnos con el último trabajo discográfico de este ensemble francés, dirigido por Francisco Mañalich. Esta joven agrupación nos trae un doble CD, algo bastante insólito en los tiempos que corren, dedicado a dos grandes figuras de finales de la Edad Media como son Johannes Ockeghem y Gilles Binchois. El detalle y la sutileza con la que abordan este complejo repertorio, así como la calidad y calidez del sonido, los hace merecedores de esta mención. »
MELOMANO DE ORO | QUINZE – COMET MUSICKE – 6/09/2019, La Revista de Música Clásica / Lucía Martín-Maestro Verbo (original spanish version below)
Nous nous trouvons face à un travail qui met en évidence la plus absolue rigueur historique, sans tomber dans l’aseptisé, dans ce manque d’émotion dont souffrent parfois certaines interprétations. Comet Musicke offre ici une approche du répertoire tant « historiciste » (dans le meilleur sens du terme) que passionnée, et, par dessus tout, communicative. En effet, l’un des axiomes sur lequel cet ensemble construit son travail est le rapport à l’auditeur du XXIème siècle, son besoin d’avoir un produit actuel et attractif, ce qui apparaît comme évident en écoutant ce disque.
Quinze est un travail qui se distingue par la recherche intarissable du détail et la mise en relief de ce répertoire par la palette variée de couleurs et de sons qu’il nous offre. Comet Musicke construit dans chaque chanson tout un microcosme, jouant avec une instrumentation qui varie de pièce en pièce, apportant ainsi une richesse sonore qui fera le délice de l’auditeur le plus exigent.
Une autre force des plus remarquables de ce double-disque est la propreté avec laquelle sont traités les textes, bien chantés et déclamés, et la soigneuse restitution de la prononciation du XVème siècle, son intelligibilité, ainsi que la diction si raffinée de la langue.
Nous ne pouvons pas ne pas mentionner le délicat équilibre de la prise de son, ainsi que l’exquis traitement de la musica ficta aussi inattendu que fort satisfaisant. L’indiscutable qualité des musiciens qui forment l’ensemble, pour la plupart éminents multi-instrumentistes dotés d’un solide bagage dans l’interprétation historique, ressort dans la manipulation raffinée du langage qui se manifeste dans le résultat final de ce magnifique travail discographique. »
(version originale)
« Liderado por el musicólogo, tenor y violista chileno Francisco Mañalich, Comet Musicke nos presenta un trabajo discográfico de gran ambición: Quinze. Se trata de un doble disco compacto que aborda la obra de dos de las figuras más emblemáticas de ese interesantísimo periodo en términos musicales que se debate entre el final del medioevo y los albores del renacimiento: Gilles de Binchoir y Johannes Ockeghem, indiscutibles maestros de la chanson flamenca del siglo XV.
Nos encontramos ante un trabajo que evidencia el más absoluto rigor histórico, aunque sin caer en lo aséptico, en esa falta de emoción de la que adolecen, en ocasiones, este tipo de interpretaciones. Por su parte, Comet ofrece un enfoque del repertorio tan «historicista» (en el mejor sentido de la palabra) como apasionado y, sobre todo, comunicativo. Y es que uno de los axiomas sobre los que este ensemble construye su trabajo es la necesidad del oyente del siglo XXI de un producto actual y atrayente, principios que se hacen patentes en este disco.
Quinze es un trabajo que se distingue por la búsqueda incansable del detalle y destaca por la variadísima paleta de colores y sonidos que nos ofrecen del repertorio. Comet construye en cada chanson todo un microcosmos, jugando con una instrumentación que prácticamente varía de pieza en pieza, aportando así una riqueza sonora que hará las delicias del oyente más exigente.
Otra de las fortalezas más reseñables de este doble disco es la pulcritud con la que son tratados los textos, bien sean cantados o declamados, y la cuidada reconstrucción de la pronunciación del siglo XV, su inteligibilidad, así como la dicción tan refinada del idioma.
No podemos dejar de mencionar el delicado balance en el sonido, así como el exquisito tratamiento de la música ficta, satisfactoriamente inesperado por momentos. La incuestionable calidad de los músicos que conforman el ensamble, casi todos destacados multinstrumentistas con un gran bagaje en la interpretación histórica, se hace patente refinado manejo del lenguaje que se manifiesta en el resultado final de este magnífico trabajo discográfico. »
« QUINZE » – 16/07/2020, ConcertoNet.com : The Classical Music Network / Jessica Naïm
Pour cet enregistrement, l’ensemble fait le choix d’une anthologie de chansons polyphoniques du XVe siècle autour de Gilles Binchois (c. 1400-1460) et de Johannes Ockeghem (c. 1420-1497), dans une volonté de rendre le plus fidèlement possible la pratique de ces musiques, en se fondant sur une documentation approfondie du contexte historique qui a vu naître les œuvres, de l’étude de l’iconographie (tapisseries, miniatures) aux différents manuscrits et traités. Il s’agit donc d’un travail musicologique sérieux entrepris par Francisco Mañalich, directeur artistique, dont le mémoire de master à la Sorbonne portait précisément sur les chansons à trois voix (superius, tenor, contratenor) de Binchois. Dans les nombreux rondeaux et les quelques ballades du maître bourguignon, le texte chanté étant rarement repris aux parties de tenor et contratenor, il a fallu s’interroger également sur la place et le choix des instruments. L’album, fruit d’un travail de recherche qui s’étend également à la collaboration avec des spécialistes pour la fabrication des instruments, apparaît alors comme un terrain d’expérimentation où, outre la restitution de la prononciation au plus proche de la déclamation, les voix sont soutenues par un instrumentarium de plus en plus large et dont les combinaisons – variant sonorités et couleurs – s’inscrivent dans la finalité de «refléter les évolutions organologiques de cette époque», et de créer un renouvellement.
«Quinze», titre du premier album enregistré de l’ensemble, désigne non seulement le XVe siècle mais également les quinze timbres vocaux et instrumentaux qui ont servi à la réalisation de ce disque. De fait, les chanteurs et musiciens, au nombre de neuf au total, font preuve d’une remarquable polyvalence et nous offrent, par ce large coffret, une programmation musicale fournie qui dessine un «portrait profane» de ce XVe siècle, âge d’or de la chanson française.
Représentée par les grands maîtres de l’Ecole franco-flamande – Binchois, Dufay puis Ockeghem et Busnois –, la chanson courtoise jouit d’une grande faveur à l’époque ; elle fait partie de la vie même, exprime à la fois l’amour, la joie, la tristesse. Célèbre dans toute l’Europe et adaptée aux instruments (transcrite pour orgue, épinette ou luth), elle accompagne les grandes fêtes et se voit très appréciée des grands seigneurs comme à la cour de Bourgogne, où se concentre sa production.
La filiation entre Binchois et Ockeghem s’enchaîne ingénieusement dans le choix de la programmation, où une cohérence transparaît. Les chansons de Binchois, surnommé le «père de joyeuseté», appartiennent au style nouveau de l’époque et bénéficient de l’influence de la musique anglaise (notamment de Dunstable, installé à Paris), à qui l’on doit le goût de la mélodie, l’usage des ornements fleuris de la voix ou encore les emprunts au faux-bourdon avec ses intervalles de tierces et de sixtes. Les mêmes caractéristiques sont en usage dans la musique sacrée à la seule différence qu’au lieu du tenor, c’est la voix supérieure et mélodique (le superius) qui a la primauté dans la chanson, ce qui constitue le trait marquant du style nouveau. Le lyrisme du verbe poétique se voit ici mis en valeur par la clarté de la prosodie des chanteurs, soucieux de restituer les prononciations de l’époque, encore plus distinctes dans les passages déclamés et non chantés. La grande qualité sonore de ces chansons aux structures polyphoniques à trois parties, qui empruntent les formes simples du rondeau et de la ballade héritée de l’Ars Nova au siècle dernier, ressort également du bel équilibre entre les voix et les instruments et la valorisation des timbres, renforcée par le choix pour certaines chansons d’alterner une interprétation exclusivement vocale avec sa version instrumentale, où le superius est prêté à un instrument.
Binchois fut reconnu comme un maître de son vivant, notamment par Ockeghem, son héritier en somme. Ayant composé une vingtaine de chansons – alors qu’on en dénombre une cinquantaine chez Binchois –, Ockeghem s’est surtout illustré dans la musique religieuse. Le ton plus austère du compositeur franco-flamand de la deuxième génération transparaît dans les œuvres proposées en particulier dans la Déploration sur la mort de Gilles Binchois («Mort tu as navré de ton dart/Miserere») de vaste dimension écrite en mémoire du maître bourguignon – utilisant certains éléments de son langage – et adroitement insérée dans le programme. Il y déploie une plainte profonde au superius tandis que le tenor et le contratenor clament la supplication latine «Miserere pie Jesu Domine, dona ei requiem» («Prends pitié pieux Seigneur Jésus, donne lui le repos») soutenue par un contratenor basis qui fait entendre de longues notes tenues. Ce motet-chanson, modèle traditionnel de la chanson à couplets (ici une ballade) à laquelle s’ajoute un texte sacré chanté par une autre partie sera repris par Josquin des Prez (c. 1440-1521) dans sa douloureuse déploration conjuguant le poème «Nymphes des bois/Déesses des fontaines» à l’introït «Requiem æternam» et que la mort d’Ockeghem lui a inspiré, concluant admirablement cet album, comme un double hommage à deux grands maîtres à l’aube de la Renaissance.
L’auditeur est accompagné tout au long de son «exploration» par la transcription des chansons en français moderne ainsi que grâce à une notice très instructive donnant de précieux éléments de compréhension du langage. Guidé avant tout par un souci d’authenticité, Comet Musicke parvient avec cet album à la fois à la restitution d’un répertoire et à une vision interprétative particulièrement réussie. »
MONTEVERDI PAR COMET MUSICKE : PETIT EFFECTIF ET GRAND TALENT – 17/07/2019, ResMusica / Cécile Glaenzer
C’est à la salle Pasteur du Corum de Montpellier que nous avons découvert leur programme original, mêlant des pièces de Monteverdi et de ses contemporains à deux créations de compositeurs d’aujourd’hui.
Les cinq musiciens de Comet Musicke cassent les codes avec bonheur : entrée en musique en traversant le public, jeu de scène humoristique pour un concert-biographie qui nous raconte la vie de Monteverdi, violes jouées debout (posées sur un tabouret)… Et surtout, des musiciens tour à tour chanteurs, récitants, multi-instrumentistes, qui passent d’un art à l’autre avec beaucoup de naturel. Ponctuant le récit de la vie du père de l’opéra, des extraits des plus grandes œuvres de Monteverdi s’enchaînent avec une belle cohérence. Deux créations contemporaines s’insèrent parfaitement dans ce programme : une pièce de Sylvain Morizet (Dolcissimo Uscignolo) et l’Ego flos campi de Christopher Gibert qui fait écho au motet éponyme de Monteverdi, dans lequel la phrase musicale s’étire entre les notes tenues des violes et du cornet.
La polyvalence des musiciens permet de proposer au public des raccourcis d’opéras faits d’extraits minimalistes où l’essentiel est respecté. Ainsi, la toccata initiale de l’Orfeo de Monteverdi est jouée à quatre et fait beaucoup d’effet. Le dialogue de L’Euridice de Peri, chanté avec le seul accompagnement de la basse de viole d’Aude-Marie Piloz qui réalise les accords du continuo, nous rappelle que la viole est un instrument polyphonique. Le Duo Seraphim des Vêpres de Monteverdi est un autre moment d’émotion : deux violes, deux violons, deux chanteurs (dont l’un joue en même temps la viole), et tout est là. La belle voix de ténor de Francisco Mañalich fait preuve d’une grande sensibilité et d’une technique très sûre dans les extraits de l’Orfeo. Quant à la mezzo-soprano Marie Favier, à la belle présence scénique, elle sait nous émouvoir dans le célèbre Lamento d’Arianna, malheureusement raccourci ; et elle est particulièrement bouleversante dans l’air Adio Roma de l’Incoronazione di Poppea.
Passer d’un instrument à l’autre, chanter en s’accompagnant à la viole ou à la guitare : ces cinq jeunes musiciens s’appuient sur une technique si solide qu’ils donnent l’impression que tout cela est facile à réaliser. C’est là le summum de l’art.
(Montpellier. Festival de Radio France Occitanie Montpellier. Salle Pasteur, le Corum. 16-VII-2019. Œuvres de Claudio Monteverdi (1567-1643), Marco Antonio Ingegneri (1535-1592), Sylvain Morizet (né en 1982), Adriano Banchieri (1568-1634), Jacopo Peri (1561-1633), Orlando di Lasso (1532-1594), Christopher Gibert (né en 1993). Ensemble Comet Musicke : Francisco Mañalich, ténor, viole de gambe et guitare baroque ; Marie Favier, mezzo-soprano et récitante ; Aude-Marie Piloz, viole de gambe ; Cyrille Métivier, violon et cornet ; Camille Rancière, violon, alto et chant) »
COMET MUSICKE – JOHANNES OCKEGHEM, « VRAY TRÉSORIER DE MUSIQUE » AU FESTIVAL VOIX ET ROUTE ROMANE : DÉBOUSSOLANT ! – 6/09/2020, Geneviève Charras
« Comet Musicke propose l’intégrale des vingt chansons à 3 et 4 voix de Johannes Ockeghem (1410-1497). Ce compositeur originaire du Hainaut jouissait d’une grande notoriété et ses contemporains l’appelaient « fils et perle de la Musique », « fleur des musiciens » ou « Vray trésorier de Musique ».
Dimanche 6 septembre à 17 h 00
Strasbourg, Eglise protestante Saint-Pierre-le-Jeune
Comet Musicke (France)
« Quoi de neuf, Docteur » ? Saint Pierre le Jeune, écrin subtil pour cette formation hors du commun, un après-midi d’automne, une ambiance se trace subtilement pour nous conduire sur les chemins d’un compositeur étonnant, hors du commun : diplomate, chanteur, menant une vie riche de rencontres et de responsabilités politiques, traversant une époque où l’art se mêle aux grandes décisions de l’état. Cap sur les grandes orientations de la boussole : nord, sud, est, ouest, en route pour un voyage dans le temps, judicieusement ponctué par des interventions, entremets récurrents, pédagogiques. On y apprend au fur et à mesure les enjeux artistiques des péripéties de la vie mouvementée de Johannes Ockeghem, homme orchestre de bien des « orientations » diplomatiques ! L’ensemble « Comet Musicke » s’attache tout particulièrement à une recherche esthétique sur le genre « concert-biographie », ponctué par des prises de paroles érudites et édifiantes sur la vie du personnage qui devient le moteur du concert. Un portrait musical et vocal d’une pointure de l’art polyphonique du XVème siécle ! Place donc au concert piloté par huit artistes, chanteurs, violistes, vièlistes, cornettiste, flûtiste : des histoires contées par Marie Favier, mezzo-soprano, avec malice, entrain, dans un jeu de conteuse comédienne qui se renforce tout au long du récital. Belle performance vocale et scénique, mimiques au point, toujours dans le jeu.
Un souffle passe dans cet ensemble, rose des sables, vent d’anges qui planent sur les compositions instrumentales et vocales qui s’enchaînent naturellement dans un rythme soutenu par les propos éclairants des narrateurs-bateleurs qui introduisent les pièces, à différents niveaux d’espace : loin de la scène primitive, dans la chaire, etc. Chacun y déployant un talent d’interprète mêlant art du jeu et art musical. Dans une maîtrise d’un instrumentarium d’époque à l’identique pour mieux faire sonner la chaleur, la sensualité des compositions, mêlant vocal phrasé poétique : dans des accents, liant prononciation et récit, restituée au plus proche de la diction-déclamation. De beaux canons en tuilages, des jeux de « bouche » des histoires de maîtresses, des récits picaresques : on se régale des œuvres de cet homme « bon, généreux, pieux, charitable », sa voix même à l’origine combinant le tout dans une grande harmonie. Quelqu’un de « bien », intègre « docteur en musique », fin et subtil auteur de récits musicaux enchanteurs, ici menés de main de maître par Francisco Mañalich, ténor et viole de gambe, plein de charme, de malice, d’une grande et belle présence. Et l’Ensemble d’émettre de beaux « r » roulés aux accents affirmés, colorés et bigarrés comme tous ces récits rocambolesques, amoureux ou jaloux de la vie d’un compositeur ici très bien servi par des musiciens énergiques, talentueux. Servis par l’acoustique des lieux magnétiques et envoûtants de Saint Pierre le Jeune à Strasbourg. Une étape supplémentaire dans le programme de « Rose des Vents » initié par Voix et Route Romane et son ingénieux directeur artistique Denis Lecoq. »
VIAF BAROQUE WEEK : MULTIPLE MONTEVERDIAN DELIGHTS et al. – 19/06/2019, Albert George Storace (original english version below)
Ce n’est pas seulement la musique qui rendait la soirée si plaisante. C’est la relation que les musiciens établissent avec le public. Le programme était bien construit et extrêmement bien documenté, ce qui permet aux membres de l’ensemble de transmettre des renseignements très intéressants sur le contexte de chaque morceau du concert, avec bien souvent des commentaires fort spirituels.
La musique de Monteverdi formait l’essentiel d’un programme qui reflète les multiples facettes d’un homme à la fois compositeur, chanteur, instrumentiste et maître de musique sacrée aussi bien que profane. Mari et père attentionné, il fut ordonné prêtre après une période de veuvage et composait des opéras pratiquement jusqu’à sa mort à 76 ans ! Quel génie ! Génie que l’on retrouve dans son oeuvre grâce ici à une sélection magnifiquement transmise par Comet Musicke. Ce qui fait leur force est non seulement que quatre d’entre eux jouent très bien de plusieurs instruments mais encore que quatre sont des chanteurs, l’essentiel des solos revenant à la mezzo Marie Favier et au ténor Francisco Mañalich. La première n’a qu’un instrument mais c’est le plus beau de tous, la voix. La sienne est pleine de charme et de douceur tandis que le second possède ce timbre typiquement ibérique, chaleureux et puissant. Tous deux ont chanté avec une impeccable précision expressive. Mañalich joue également de la viole de gambe et de la guitare baroque. L’autre gambiste est Aude-Marie Piloz, et les autres membres de l’ensemble sont Camille Rancière (alto, voix) et Cyrille Métivier (cornet, violon, voix). Ils ont fait entendre des pièces de Ingegneri, Banquieri, Peri, Di Lasso et du compositeur contemporain Christopher Gibert (son hommage à Monteverdi est basé sur l’Ego flos campi de ce dernier). Ce concert s’est achevé sur une ovation debout bien méritée. »
(version originale)
« Typical of comets Comet Musicke came to St. George’s basilica, brightly illuminated that superb baroque ambience with their music-making and left leaving behind an audience with a wonderful feeling of having experienced a first class performance. Everybody wants them to come again and I am sure they will because as some comets tend to do, they WILL return. One hopes not as Halley’s does every 75 years or so!
It was not just the music which made the evening most enjoyable. It was the rapport established between performers and audience. The programme was prepared and extremely well-researched so different members of the ensemble could pass on very interesting background information about each piece performed, and, very often, these included some very witty remarks.
The music of Monteverdi dominated the programme one which reflected the great versatility of the man who was composer, singer, instrumentalist and expert at sacred and profane works. Also a caring husband and father, he was ordained priest after a spell of widowerhood and was composing opera almost until his death at 76! What a genius! Genius reflected in his work thanks to a selected variety which was superbly projected by Comet Musicke. What they have to their advantage is not only do four of them perform very proficiently on a variety of instruments but four of them are singers with the bulk of solo singing falling on mezzo-soprano Marie Favier and tenor Francisco Mañalich. The former’s only instrument is the best one of all: the voice. Hers is a lovely mellow voice while the latter has that typically Iberian timbre, warm and strong. Both singers sang with impeccably expressive precision. Mañalich also performed on the viola da gamba and baroque guitar. The other gambista was Aude-Marie Piloz, Camille Ranciére (violin, viola, voice) and Cyrille Métivier (corner, violin, voice) were the other members of the ensemble. Music by Ingegneri, Banchieri, Peri, di Lasso and the contemporary composer C. Gibert (whose tribute to Monteverdi based on the latter’s Ego flos campi) was performed. This concert ended up with a well-deserved standing ovation. »
« La représentation, mêlant musique et poésie, sied à merveille à cet ensemble. Avec modulation et entrain, sans jamais forcer leurs arts respectifs, les artistes ont déployés une digne retenue où les mimiques étaient éloquentes quant aux sentiments ou aux émotions distillés avec une grande précision. » 15/09/2017 L’Alsace
« Ils passent de la viole de Gambe au violon, de la guitare rythmée au cornet avec une incroyable aisance. Les instruments ainsi maîtrisés, et notamment les violes de Gambe mises à l’honneur, enveloppent harmonieusement les voix. » 05/08/2017 L’Yonne
« Le public vézelien a en tout cas ressenti cette grande émotion avec l’interprétation très sensible de l’ensemble Comet Musicke. » 05/08/2017 L’Yonne